Fille des terribles désillusions du XXe siècle, enfantée sur les décombres de ses catastrophes, l’œuvre d’Antoine Volodine est une œuvre noire, dévastée. Parmi les villes en ruines, les steppes désolées et les forêts tropicales peuplées d’araignées, ne subsistent que quelques pauvres hères confrontés à l’effondrement d’un idéal utopique dont il est devenu aussi vain de vouloir se déprendre que de prétendre le perpétuer. Et, tandis que les combattants exsangues meurent un à un sous nos yeux dans la torture et la folie, sans cesse se rejoue dans ces pages l’échec de ce qui aurait pu advenir, de ce qui n’est pas advenu.
Au cœur de ces livres que depuis le premier d’entre eux l’on n’imagine que traînant dans les déjections et le sang, surviennent pourtant, inopinément, des éclairs de drôlerie d’une fantaisie incongrue. Ces fulgurations, l’auteur les rattache à ce qu’il a baptisé du joli nom d’humour du désastre. Nombreuses au fil de l’œuvre, qui tient toujours son lecteur en équilibre instable entre le rire et les larmes, elles tendent à prendre une place prépondérante dans les deux derniers livres parus. Alors que le premier nous propose une retransmission en direct du Bardo, mêlant allégrement au livre sacré des morts tibétains recettes de cuisine et numéros de clowns, le second met en scène de drôles de bêtes dans une parodie dynastique burlesque1.
C’est ce mélange étrange, dans le rapport complexe qu’il entretient avec la tradition comico-sérieuse, qui fait l’objet de notre analyse.
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1. Antoine Volodine, Bardo or not Bardo et Nos Animaux Préférés, Paris : Éditions du Seuil, 2004 et 2006.
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PRÉSENTATION DE L'OUVRAGE PAR L'ÉDITEUR:
Cet ouvrage s'ouvre sur une fiction inédite d'Antoine Volodine pastichant l'étude universitaire et la critique littéraire et se ferme sur le texte d'une conférence qu'il a donnée à la Bibliothèque nationale de France en juin 2006.
Il contient en outre les contributions de chercheurs français, canadiens et russes : Guillaume Asselin, Nadia Buntman, Fabienne Claire Caland, Audrey Camus, David Clerson, Frédérik Detue, Ekaterina Dmitrieva, Shawn Duriez, Annie Epelboin, François Gonin, Marie-Pascale Huglo, Pierre Ouellet, Anne Roche, Lionel Ruffel, Tiphaine Samoyault, Jean-Pierre Vidal, Frank Wagner.
Quatrième de couverture :
On parle aujourd'hui de littérature contemporaine, et c'est comme si le temps présent n'avait pas trouvé son nom. Chaque période de l'histoire, en effet, a vu naître une littérature, et pourtant, jusqu'à aujourd'hui, on s'était très bien passé – et gardé – du terme de contemporain pour se référer à celle-ci ; on avait toujours déterminé des traits ou des tendances artistiques qui faisaient époque, autrement que par le simple ancrage dans un temps en partage.
Face à notre époque en proie au présentisme, la littérature post-exotique d'Antoine Volodine entreprend de créer des lignes de fuite, de trouver de nouvelles perspectives. De se dégager de l'eau fangeuse et stagnante du présent, dans un sens, pour s'engager dans le fleuve de l'histoire à contre-courant, et dans l'autre, pour se projeter vers la fin de cette histoire ; de rompre avec le partage du sensible qu'on fait ordinairement entre réel et imaginaire, entre veille et rêve, pour accéder à une autre compréhension du monde, plus onirique.
Le post-exotisme se caractérise ainsi d'abord par sa puissance d'arrachement, grâce à laquelle il peut cultiver sa différence, c'est-à-dire «concevoir autre» et, par là, « démanipuler le lecteur » : le soumettre à une grande épreuve de déconditionnement, lui faire développer une nouvelle sensibilité. Outre les contributions de plusieurs chercheurs français, russes et québécois, l'ouvrage comprend deux textes récents d'Antoine Volodine.
>Lire le compte-rendu de l'ouvrage par Dominique Soulès dans Acta fabula
>Lire le compte-rendu de l'ouvrage par Thierry Saint Arnoult sur Remue.net
>Lire le texte de Frédérik Detue sur Vox Poetica
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