Les lieux communs d’Éric Chevillard: une rhétorique anti-mimétique

TitleLes lieux communs d’Éric Chevillard: une rhétorique anti-mimétique
Publication TypeBook Chapter
Year of Publication2009
AuthorsCamus, Audrey
EditorsJoseph, Sandrina
Book TitleRévéler l’habituel. La banalité dans le récit littéraire contemporain
CityMontréal
PublisherDépartement des littératures de langue française de l’U. de Montréal
Volume28
Pages67–86
Series TitleParagraphes
ISBN Number978-2-921447-21-8.
Résumé

C et article se propose de montrer que pour être la bête noire d’Éric Chevillard, le banal n’en est pas moins la source de son écriture, à laquelle il fournit matière, forme et impulsion narrative. Intervenant au plan de l’inventio (idées reçues, schèmes logiques et séquences stéréotypées fournissant sujet et matière au récit), de l’elocutio (laquelle s’élabore par le détournement et la revitalisation du cliché) et de la dispositio (genres, motifs et scénarios commandant tantôt la forme globale du texte qu’ils alimentent, tantôt le recours à la digression), le lieu commun apparaît en effet comme le socle de la rhétorique chevillardienne.

Chaque fois cependant que le stéréotype est convoqué, qu’il soit idéologique, thématico-narratif ou verbal, il fait l’objet d’une légère distorsion, légère mais suffisante pour en gripper le fonctionnement. Par cet usage systématique du topos, dans toutes les acceptions qu’il a pu recevoir au cours du temps, assorti de son dévoiement, l’œuvre renoue en fait avec la rhétorique pour la détourner de sa vocation et lui faire servir son propre dessein, celui d’une représentation anti-mimétique tout entière fondée sur l’exploration de la langue.

Bien que l’objet d’une telle rhétorique ne soit plus la quête du vraisemblable mais celle de l’incongru, celle-ci conserve sa force persuasive en ce qu’elle prend le lecteur au piège de ses constructions. Dès lors que le texte qui met en œuvre les mécanismes stéréotypiques nous y fait adhérer avant de nous en extraire, sa lecture est une pratique du monde bien qu’elle semble lui tourner le dos. La véritable aventure a beau, pour Chevillard, être celle de la phrase, son usage du lieu commun réinvestit le dehors dans le texte, et nous fait expérimenter de la sorte cette communauté qui fonde le banal.

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Quatrième de couverture de l'ouvrage

Il est difficile de remarquer la chose banale, difficile d’en prendre note, tellement elle s’absorbe dans le quotidien. Espace partagé, idée commune, objet usuel, elle est par définition ce qu’on néglige, ce qu’il n’est pas nécessaire de commenter tant cela va de soi. Elle est ce qui s’offre à tous et n’a, dès lors, que peu de valeur. Le qualificatif banal revêt généralement un sens minoratif, comme s’il ne pouvait évoquer que le déjà-connu, le déjà-vécu, comme s’il était condamné à ne rien signifier. Pourtant, les récits de la littérature actuelle nous invitent à examiner le banal et le coutumier. D’Annie Ernaux à Régis Jauffret, en passant Par Éric Chevillard ou André Carpentier, les écrivains contemporains explorent sans relâche le domaine du quotidien, du négligeable, de l’insignifiant. Mais pour y trouver quoi? C’est à cette question que cherchent à répondre les textes réunis dans cet ouvrage collectif. Chercheurs et écrivains s’y penchent sur diverses représentations littéraires de la banalité, dépassant la mauvaise réputation de cette notion pour en révéler la paradoxale richesse. Par la diversité des genres étudiés (autofiction, roman, nouvelle, journal, essai), comme par la pluralité des littératures évoquées (France, Québec) ou la mixité des approches empruntées, ces études témoignent du pouvoir souvent accablant, parfois rédempteur, toujours révélateur de l’ordinaire.

Table des matières
Sandrina Joseph – Introduction
André Carpentier – Être auprès des choses. L’écrivain flâneur tel qu’engagé dans la quotidienneté
Tu Hanh Nguyen – Annie Ernaux, vers l’appopriation des lieux communs
Audrey Camus – Les lieux communs d’Éric Chevillard, une rhétorique anti-mimétique
Nicolas Xanthos – Banalités animales et profondeurs du titre : remarques sur la poétique dialogale de La Beauté des loutres
Lucie Joubert – Les menteuses ou comment construire sa banalité
Lori Saint-Martin – Hyperquotidien, hyperréalisme et angoisse dans Les Trois Modes de conservation des viandes de Maxime-Olivier Moutier
Marie-Pascale Huglo – Banalités en séries : Fragments de la vie des gens de Régis Jauffret







URLhttp://www.littfra.umontreal.ca/paragraphes/pages/Quatrieme-28_Reveler_LHabituel_Sandrina_Joseph.htm