Si la fiction est communément définie comme un hors-jeu référentiel, les récits littéraires contemporains tendent à jouer aussi de leur propre cadre de référence. Tandis que les flottements narratifs et énonciatifs déjouent la stabilisation d’un mode de lecture, la fiction met en jeu sa relation avec le lecteur. Une figure de lecteur implicite semble se dessiner, un lecteur contrarié, trompé, provoqué, un lecteur sans cesse mis à l’épreuve dans des textes relevant plus de la « jouissance » que du plaisir. Structures déceptives, contradictions, glissements : par ces dispositifs, la lecture d’un récit, qui repose traditionnellement sur une herméneutique linéaire, se voit contrariée. Le jeu avec les catégories logiques et chronologiques, qui structurent notre compréhension d’une histoire, induit un protocole de (re)lecture et des compétences atypiques. Dès lors, si la fiction oriente dans une certaine mesure sa lecture, elle semble bien plus promouvoir une éthique lectoriale. Le brouillage des repères dans un univers fictionnel flottant sollicite une participation active du lecteur à la production du sens : « ouverte », l’œuvre appelle le lecteur à collaborer à l’écriture, à moins qu’elle ne le fasse renoncer à la quête d’un sens plein pour jouir de la matérialité du texte, de ses signifiants et de son insignifiance. Destinataire, le lecteur est également source d’inspiration pour l’écrivain : il apparaît au sein de figures nombreuses et ambivalentes, tendues entre prescription et proscription. Réponse paradoxale de la fiction à la théorie littéraire : « machine à produire des lectures » (Michel Charles), le texte serait aussi machine à défaire le lecteur, ou à s’en défaire.
Programme:
9h00 Accueil des intervenant-e-s
9h15 Ouverture par Marc Dambre, Paris 3 – Sorbonne Nouvelle
9h30 Introduction de la journée
par Camille Deltombe et Aline Marchand, Paris 3 – Sorbonne Nouvelle
I – LE LECTEUR EN JEU
Modération : Aline Marchand
9h45-11h15
Chantal Lapeyre-Desmaison, Université de Bourgogne : Inventions du lecteur dans Dernier Royaume, de Pascal Quignard
Marion François, Université Stendhal (Grenoble) : Le lecteur, pièce maîtresse de l’appareil policier
Viviane Asselin, Université Laval (Québec) : La lecture narrative fragilisée: le cas de L'Acquittement de Gaétan Soucy
11h15-11h30 Pause
II – LE LECTEUR EN SCÈNE
Modération : Audrey Lasserre
11h30-12h30
Natalia Leclerc, Paris : Marguerite, Ariane, Ghislaine, lectrices amoureuses
Marie Baudry, Université de Paris 3 : Marelle de Julio Cortázar : du personnage lecteur à une théorie de la lecture
12h30-14h00 Déjeuner
III – LE LECTEUR DÉJOUÉ
Modération : Camille Deltombe
14H00-15H00
Ivanne Rialland, Université de Paris 4 : Un lecteur sachant chasser : La Chasse au mérou de Georges Limbour
Karl Kürtös, Université de Berne : "Croient-ils se jouer de moi, ils seront joués". Figures de la lecture dans Le Bavard de Louis-René des Forêts
15h00-15h15 Pause
IV – LE LECTEUR REJOUÉ
Modération : Sabrinelle Bédrane
15H15-16H45
Gaspard Turin, Université de Genève : Pascal Quignard, écrivain-lecteur
Aurélien Pigeat, Université de Paris 3 : Lector in fine chez Nathalie Sarraute: du lecteur définitif au lecteur défini
Laurent Demanze, Université de Lyon 3 : Pierre Bergounioux : le lecteur blessé
16H45-17H30
Rencontre avec l’écrivain Arno Bertina
Modération : Johan Faerber
Centre d’Études sur le Roman des Années Cinquante au Contemporain (CERACC)
UMR 7171 « Écritures de la modernité »
Université Paris 3 – CNRS
Directeur : Marc Dambre
Secrétaire : Bernard Alazet
