Le Théâtre du Soleil a aujourd’hui cinquante ans. Depuis l’établissement de ses statuts de « société coopérative ouvrière de production » au milieu des années soixante, la troupe conduite par Ariane Mnouchkine est restée fidèle aux idéaux qui avaient présidé à sa fondation, ce qui lui a valu d’être saluée pour ce cinquantenaire comme une « utopie durable et flamboyante » (Le Monde, 23 avril 2014).
Que ce soit par ses productions théâtrales qui font la part belle à la création collective ou par son organisation reposant sur le partage des tâches, des responsabilités et des salaires, la troupe incarne une certaine idée de la communauté, qu’elle n’a de cesse de questionner. De l’expérience décisive de la vie en commun dans la cité idéale bâtie par Claude-Nicolas Ledoux à Arc-et-Senans durant l’été 1968 jusqu’à la récente transposition de l’utopie vernienne dans Les Naufragés du Fol Espoir, en passant par la pièce 1793 qui mettait en scène la vie d’une section de sans-culottes, tout est prétexte à poursuivre cette interrogation, qui concerne aussi bien le fonctionnement interne de la troupe et la place de son metteur en scène que le rôle du théâtre dans la société. Ainsi, l’engagement politique du Théâtre du Soleil, sur les planches comme au-delà, trouve-t-il son fondement dans la communauté des comédiens.
Alors qu’on a souvent pensé le théâtre comme le lieu de celle des spectateurs, et à l’heure où la vocation didactique de l’art dramatique est questionnée, on se propose d’analyser la manière dont la communauté du Soleil se pense et se constitue, pour comprendre la singularité de sa démarche tant politique qu'artistique.
