Les lieux communs d’Éric Chevillard

27 Avril, 2007 - 09:00 - 17:00

«Les lieux communs d’Éric Chevillard», communication lors de l’atelier La Banalité dans le récit littéraire contemporain: un phénomène d’ubiquité, organisé par Sandrina Joseph à l’Université de Montréal le 27 avril 2007, dans le cadre du festival littéraire international Métropolis bleu, avec la participation de Pierrette Fleutiaux.

Si le stéréotype est ce «mot répété, hors de toute magie, de tout enthousiasme, comme s'il était naturel, comme si par miracle ce mot qui revient était à chaque fois adéquat pour des raisons différentes, comme si imiter pouvait ne plus être senti comme une imitation: mot sans-gêne, qui prétend à la consistance et ignore sa propre insistance»1, il semble bien qu’il suffise justement d’y mettre de l’enthousiasme pour que la magie advienne. C’est en tout cas la leçon qu’Éric Chevillard, amateur chevronné de lieux communs, dispense livre après livre à son lecteur pour sa plus grande joie.

Qu’il se débatte avec les platitudes du quotidien, qu’il s’approprie les contes rebattus de notre enfance ou se délecte encore des clichés du récit de voyage2, toute la production récente de l’écrivain est hantée par le poncif. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ces variations savoureuses sur la banalité n’ont pour objectif ni d’en faire l’éloge ni d’apprendre à s’en étonner. À travers cette exploration que poursuit Chevillard depuis près de vingt ans, il ne s’agit pas tant en réalité de déceler dans notre ordinaire cette part d’inconnu qu’un Maupassant ou un Perec, chacun à leur manière, ont cherché à en faire surgir, que de l’y mettre: la virtualité réside moins dans le regard porté sur le monde que dans l’écriture, et dans l’imagination qu’elle alimente. Ainsi ne suffit-il que d’un peu de bonne volonté pour que le banal devienne prodigieux, pour que le lieu commun, subitement, abrite la merveille. D’un peu de bonne volonté assortie, il est vrai, d’une dose de mauvaise foi, laquelle consiste à pousser la logique dans ses retranchements pour user du langage en toute incongruité.
De cette lutte contre le poncif, l’écrivain –et son lecteur avec lui– sortent indéniablement victorieux: non seulement ils ont quitté les sentiers battus, mais ils se sont encore beaucoup amusés chemin faisant. La victoire, cependant, est moins anodine qu’il n’y paraît. Car si la banalité se montre rétive à la consignation, ces voies détournées pourraient bien constituer le meilleur moyen de l’approcher.


1. Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris : Seuil « Points », 1982 (1973), p. 69.
2. Éric Chevillard, aux éditions de Minuit (Paris), respectivement Les Absences du Capitaine Cook, 2001 ; Le Vaillant petit Tailleur, 2003 et Oreille rouge, 2005.

Vendredi 27 avril 2007
Université de Montréal, Pavillon Lionel-Groulx
3150, rue Jean-Brillant
8e étage, local C-8141

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