«Noir dans le théâtre où la scène est crayonnée»: la dramaturgie romanesque d’Hervé Bouchard

14 Mai, 2010 - 13:30 - 14:30

Communication au colloque Pratiques du détournement dans les discours littéraire et critique aux XXe et XXIe siècles, organisé par Nathalie Dupont & Éric Trudel dans le cadre du 78e congrès de l’ACFAS à l’Université de Montréal – Roger-Gaudry (RG) - pavillon Claire-McNicoll-Z315.

Hervé Bouchard parodie le livre saint sur les rives d’un fleuve québécois qui ressemble fort à l’Achéron; n’a de cesse de conjuguer reprise, réplique et trahison; revendique plagiat et incorporation —c’est que sa langue n’appartient qu’à lui.

L’écrivain, qui en réfère à Aristote aussi volontiers qu’à Tex Avery, mélange les genres autant que les registres. Mais la singularité la plus grande du procès d’hybridation ininterrompu qui caractérise son œuvre tient sans doute à la conjugaison du narratif, du poétique et du dramatique. Son premier roman commençait par ces mots: «J’ai été Jacques Mailloux, comédien de naissance, enfant sans drame, dehors tout le temps.» Le second, intitulé Parents et amis sont invités à y assister, est sous-titré « Drame en quatre tableaux avec six récits au centre»*.

On se propose d’analyser la manière dont ce lecteur de Diderot, Mallarmé, Novarina et quelques autres élabore ainsi une œuvre étrange, en perpétuel dialogue, pour détourner le théâtre à des fins romanesques et faire du romancier un comédien.

*Hervé Bouchard, Mailloux – histoires de novembre et de juin, Montréal, L’Effet pourpre 2002, réédité au Quartanier en 2006 (et poche 2010); Parents et amis sont invités à y assister, Montréal, Le Quartanier, 2006.

Description du colloque

Le sens accordé à un signe, à un objet ou à un lieu tient souvent à peu de choses. Il suffit de greffer un vocable, d’altérer une figure ou de retrancher un repère pour qu'une idée se contredise, une image se déforme, un parcours déroute. Pensons à la Joconde de Vinci qui, travestie d'un trait moustachu par Duchamp, fait rire ou au portrait de Innocent X par Vélasquez qui, sous les coulures de Bacon, inquiète. Ainsi, du futurisme à l’Art conceptuel, en passant par Dada et l’Internationale situationniste, les avant-gardes du XXe siècle ont maintes fois eu recours au détournement de textes, d'images ou d’objets au moment d’imaginer leur intervention. Au moyen des techniques du collage, du montage et du ready-made, elles ont détourné dans leurs ouvrages protéiformes les éléments périmés d’un autre afin d’en modifier l’organisation et le sens. Outre l’utilisation ludique ou propagandiste des matériaux détournés dans l’univers moderne, des formes récentes du détournement se rencontrent dans les brouillages qu’opèrent le cinéma et la publicité, l’architecture et la mode, et les dispositifs qu’ils amorcent à partir d’échantillons esthétiques divers visent à leur tour une requalification/disqualification de l'héritage socioculturel dominant et de ses enjeux idéologiques. Face à ces détournements artistiques, la littérature n'est pas en reste et orchestre, des «Chants de Maldoror» de Lautréamont aux «objets verbaux non identifiés» recensés par Alferi et Cadiot, la re(dé)composition de formes ou de fictions anciennes pour produire une œuvre novatrice, le plus souvent à des fins subversives. Par le biais du cut-up ou de la parataxe, des écrits singuliers juxtaposent des bribes de l’actualité mass-médiatique et des artéfacts culturels de tout acabit, affirmant ainsi une hiérarchie des genres et sa désacralisation, une démystification des pouvoirs du travail créateur et leur revitalisation. C’est à l’étude des détournements littéraires que nous convions écrivains et chercheurs.

Programme

08:30 - 11:30 Présidence : Nathalie Dupont, Bucknell University

08:45 Mot de bienvenue

09:00 Benjamin ANDRÉO, Aberystwyth

L’identité en jeu(x) — les enjeux du détournement ou la « circonfession » chez Jean Cocteau

09:30 Alison JAMES, University of Chicago

Citation, mythe, mémoire : formes et fonctions du détournement oulipien

10:15 Pause

10:30 Éric TRUDEL, Collège universitaire BARD

« Comme on enfourche un cheval de manège » : détournement, dette et intimité chez Pierre Alferi

11:00 Hugues MARCHAL, Université de la Sorbonne nouvelle - Paris 3

Collages et décalages scientifiques chez Michaux et Deguy

11:30 Dîner

 

13:30 - 17:00 Présidence : Éric TRUDEL, Collège universitaire BARD

13:30 Audrey CAMUS, Université McGill

« Noir dans le théâtre où la scène est crayonnée » : la dramaturgie romanesque d’Hervé Bouchard

14:00 Nathalie DUPONT, Bucknell University

Valère Novarina érudit réducteur et collectionneur d’idioties

14:45 Pause

15:00 Alain FARAH, Université McGill

La révolution poétic’ d’Olivier Cadiot

15:30 Jérôme GAME, The American University of Paris

Le cut – du hoquet critique au (pré-)texte esthétique

16:00 John STOUT, Universite McMaster

L’image cinématique détournée chez Sandra Moussempès et Jérôme Game

17:00 Pause

17:15 - 18:00 Lectures-performances de Alain Farah et Jérôme Game

18:00 Mot de clôture