Vers une définition du fantastique moderne: le cas du Rivage des Syrtes

20 Octobre, 2004 - 17:00 - 18:30

«Vers une définition du fantastique moderne: le cas du Rivage des Syrtes», dans le cadre du cours de premier cycle consacré à Julien Gracq à l’université Laval à Québec, le 20 octobre 2004. Pavillon De Koninck, local 1256.

Julien Gracq affirme que son premier roman, dans lequel il se livre à un jeu sur les motifs du roman noir, lui aurait permis de s’acquitter de sa «dette» intertextuelle1. À bien lire Le Rivage des Syrtes, il n’est pas certain cependant que cette liquidation ait été aussi radicale que son auteur le prétend. Le roman, tant par l’atmosphère «évidemment irréelle» qui le caractérise que par l’inquiétude sourde qui en émane, s’apparente, à maints égards, au fantastique. Or bien que l’on ait coutume d’associer le nom de Gracq au surréalisme, bien que son Château d’Argol, et l’avis au lecteur dont il le fit précéder, le lient indiscutablement au roman noir, la dimension fantastique du Rivage des Syrtes n’est guère évoquée par la critique, en particulier sans doute parce que le récit, malgré sa teneur fantastique, ne répond pas aux canons du genre : à cette trame narrative à laquelle on a pu reprocher quelquefois sa carence en événements, il manque, à l'évidence, l’indispensable événement surnaturel.
D’où vient alors cette impression fantastique perçue —et souvent aussitôt déniée— à la lecture? Sans aucun doute de ces motifs fantastiques dont la présence, bien que discrète, n’assimile pas moins le livre au genre. Mais alors qu’on pourrait légitimement supposer qu’un texte qui use de certains codes génériques sans pour autant répondre à la définition du genre fait acte de pastiche, Le Rivage des Syrtes ne saurait être considéré comme tel. C’est cette configuration énigmatique que l’on se propose d’interroger pour définir la spécificité du fantastique qui caractérise ce texte.

---
1. «Le Château d’Argol, c’est un peu une liquidation pour moi de beaucoup de lectures. Mais Le Rivage des Syrtes n’est pas un ouvrage où le merveilleux joue tellement de rôle, c’est une histoire évidemment irréelle, mais il n’y a pas de phénomène irrationnel… Dans Le Balcon en forêt non plus.» Julien Gracq, «Jules Verne dans la littérature contemporaine», entretien avec Jean-Paul Dekiss, in Entretiens, Paris: José Corti, 2e édition, 2002, p. 278 paru initialement dans la Revue Jules Verne no 10.