La monstruosité romanesque en question: étude des frontières du roman français moderne à travers le prisme ménippéen

Recherche postdoctorale menée au département de langue et littérature françaises de l'Université McGill au sein du groupe de recherche sur les arts du roman & la poétique du roman moderne et subventionnée par le Fonds Québécois de la Recherche sur la Société et la Culture, en 2008-2010.

Dans la lignée des théories bakhtiniennes qui en font l’héritier de la ménippée antique, le roman moderne a pu être tenu pour un genre sans règles, impossible à définir en raison de sa plasticité. Un tel point de vue, qui prend acte de l’exceptionnelle liberté de la forme romanesque dans l’histoire des genres littéraires, nécessite cependant d’être reconsidéré en ce début de XXIe siècle où le canon classique paraît bien loin.

« Le roman est souvent dit monstrueux mais, à quelques exceptions près, c’est un monstre bien éduqué et très domestiqué », écrivait déjà Maurice Blanchot en 1953 dans Le Livre à venir, comparant la prédominance romanesque à celle, antérieure, de la poésie réglée. De fait, au regard du besoin d’émancipation qui fut celui des romanciers de « l’ère du soupçon » dans les années soixante, le roman du XIXe siècle apparaît plus sage qu’on ne l’avait d’abord jugé. D’un autre côté, étant donné la manière dont la littérature contemporaine exacerbe les jeux d’hybridation générique, il est manifeste qu’elle continue de porter en elle ce germe monstrueux.

Face à ce double constat, un retour sur la question ménippéenne peut permettre de réexaminer le problème de la définition du genre romanesque, à condition d’opérer un déplacement. Considérant que la ménippée, de par sa pratique essentiellement ironique de la littérature, conduit le roman à éprouver ses propres frontières, il s’agira de reprendre le travail fécond mené par Mikhaïl Bakhtine sur les liens entre ménippée et roman, avec l’hypothèse que la veine ménippéenne, dans la mesure où elle met perpétuellement en cause la stabilité de la forme romanesque en interrogeant ses possibles, constitue non pas tant l’origine du roman que l’agent actif, interne, de sa régénération.