L'interaction théâtre-roman dans les écritures contemporaines

Recherche initiée en 2014-2015, parallèlement à l'enseignement de la littérature dramatique à l'Université d'Ottawa.

Dans la Théorie du drame moderne, Peter Szondi rend compte d’une mise en cause de la partition générique entre roman et théâtre, qui constitue selon lui le symptôme d’une « crise interne du drame », crise dont il situe l’émergence autour de 1880. Confrontée au surgissement d’un nouveau contenu de type épique (c’est-à-dire narratif), cette forme traditionnelle du drame, close sur elle-même et fondée depuis la Renaissance sur le dialogue et la représentation des relations interhumaines, subit une « épicisation » progressive à travers l'intégration d’un point de vue extérieur à l’action. Le drame se déplace alors vers l’intime (Ibsen) ou la fresque sociale (Brecht). C’est une conception semblable que développe Mikhaïl Bakhtine dans son Esthétique et théorie du roman, n’était que l’auteur voit dans la « romanisation » le gage d’une libération plutôt que le danger de l’éclatement.

Alors que les théories de l’épicisation et de la romanisation tendent à donner préséance à l’épique, dans L’Avenir du drame, Jean-Pierre Sarrazac considère davantage cette épicisation ou romanisation de l’écriture dramatique en termes de collaboration, comme le signe d’un « devenir-rhapsodique » du théâtre, fondé (notamment) sur l’usage kaléidoscopique des modes dramatique, épique et lyrique. De fait, on parle aujourd’hui plus volontiers de fascination ou d’interaction réciproques entre théâtre et roman, que de lutte.

Un mouvement subtil d’inversion des polarités se laisse cependant observer dans les écritures contemporaines française et québécoise, par lequel le dramatique semble reprendre ses droits sur l’épique en tant qu’il confère une actualité au récit. L'objet de la recherche consistera à analyser ce mouvement tel qu'il se manifeste à travers des pratiques d'hybridation intempestive, pour se demander s’il n’engage pas, sur les planches, une forme nouvelle forme de dramatisation du roman.