Si l'acte de lecture consiste à trouver des sens et à les nommer, force est de reconnaître que, poursuivant ce même geste, la recherche en littérature s'engage dans cet effort vers le mot juste, capable par sa justesse de rendre justice au texte. Véritable nomination en devenir, approximation inlassable, et travail métonymique selon Roland , la quête du mot adéquat paraît désigner cette dynamique inhérente à une discipline qui double et redouble en son sein la question de l'écriture: celle de l'écrivain qui vient à se dire dans une écriture autre, celle du critique sur laquelle réfléchit le chercheur dans sa propre écriture. Dire non pas les mots mais le mot qui évitera la redite ou la paraphrase, qui couvrira le spectre du sens afin qu'il ne demeure pas un fantôme, telle semble être la tâche du jeune chercheur en lettres, essayant sa voix dans une épanorthose infinie, de la formulation de son sujet jusqu'à la rédaction de sa thèse. Mais, dans ces essais sans cesse renouvelés pour muer la matité de la matière verbale en transparence liquide, cette recherche du mot juste se révèle-t-elle juste? Le mot juste peut-il avoir le dernier mot? Ne faut-il pas privilégier, comme Gilles invitait à le faire, juste des mots plutôt que des mots justes? Face à l'inlassable du sens qui œuvre en littérature, il serait peut-être plus juste de jouer la fureur et la dépense conceptuelles face à l'économie et la parcimonie. Loin de toute idée de vérification, ce serait entrer dans la question plutôt que dans la réponse, ou, selon , privilégier, comme socle nécessaire à toute recherche, «le devenir-présent […] du bégaiement dans les idées».
Saisie comme un prolongement du séminaire doctoral et postdoctoral du CERACC, cette journée d'études se proposera en particulier de réfléchir sur les pistes suivantes :
- Le mot sur le bout de la langue: la théorie comme éclaircissement, la verbalisation comme expérience (aspect de l'essai). Ou encore: quand les idées sont suggérées par des associations de mots, le mot d'esprit et le lapsus peuvent s'entendre comme moteurs d'analyse.
- La recherche comme (en)quête lexicale: quels outils pour faire progresser le travail de définition: la synonymie? Le néologisme? L'adjectivation? Plus généralement, l'épanorthose, entendue comme la figure de rhétorique propre au commentaire universitaire?
- Le mot juste comme terme ou mot de la fin? Nietzsche ne disait-il pas: «L'unité du mot ne garantit pas l'unité de la chose»? Et si la thèse est étymologiquement ce qui est posé, doit-elle pour autant considérer le mot juste comme une clôture?
Programme :
9H00 Ouverture par Marc Dambre, Paris III, suivie d’une introduction par Johan Faerber, Paris III
Matinée: Des mots à l'œuvre
9h30-11h00 (I)
Sylvie Loignon, Paris, « S'humilier »
Maïté Snauwaert, Paris VIII, « Au bout de la langue : le nom retrouvé ».
Mathilde Barraband, Paris III, « Reprenons une fois de plus le chemin déjà pris » : les « leçons de poétique » de François Bon.
11h30-12h30 (II)
Aurélien Pigeat, Paris III, « L'attrape-chercheur de Nathalie Sarraute »
Stéphane Bikialo, U. de Poitiers, « En un mot » (ou en deux) : mot juste et sens obtus chez Roland Barthes et Claude Simon ».
Après-midi: Le mot juste à l'essai
14h00-15h00 (I)
Sabrinelle Bédrane, Paris III « Murmurats en tous genres : rendre justice aux récits minuscules »
Audrey Camus, Paris III, « Par-delà les mots-écrans, la conquête d'une désignation »
15h15-16h15 (II)
Audrey Lasserre, Paris III, « La disparition : enquête sur la féminisation »
Jean-Louis Jeannelle, Paris IV - Sorbonne, « Peut-on apprendre à écrire ? »
16h30-17h30 Lecture et entretien avec le poète Stéphane Bouquet.
Salle Bourjac, Gallerie Rolin, 17 Rue de la Sorbonne, 75005 Paris.
Entreée libre dans la limite des places disponibles.
